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Interview Parole d'experts

Marina Ythier-Jacobsz, Managing Director, Maluti Communications L’ambivalence de la technologie

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Maluti Communications a célébré deux décennies d’existence en tant que firme spécialisée dans la gestion de la réputation. Mon équipe et moi-même avons désamorcé d’innombrables bombes pour la réputation de nos clients, agissant en tant que partenaires stratégiques pour des centaines d’entreprises dans la gestion de leur réputation et de leurs communications. Nous avons contribué à créer et à maintenir une image positive et cohérente auprès de leur public cible, tout en les aidant à développer des relations positives avec leurs parties prenantes. Parallèlement, nous avons formé des centaines de leaders et d’employés dans divers domaines de la communication. De plus, nous avons établi des mécanismes proactifs de communication, utilisant divers canaux tels que les médias traditionnels, les réseaux sociaux, les événements, les relations avec les médias et les influenceurs, entre autres.

Au fil des années, nous avons constamment intégré les avancées technologiques dans Maluti Communications pour rester à la pointe de notre domaine et offrir des services innovants à nos clients.

Et l’IA dans tout ça ? Surtout depuis son accélération ces deux dernières
années ?

Je suis une fervente utilisatrice tout en ayant deux convictions profondes :
la technologie est un outil et non une fin en soi ; et, sans les humains, aucune transformation n’est possible.

Je crois fermement qu’en exploitant la puissance de l’IA et de la technologie en général, nous améliorons non seulement l’efficacité des processus de Maluti Communications, mais approfondissons également la dimension stratégique de nos services. Par exemple, nous utilisons des outils d’IA pour analyser les données, identifier les tendances et améliorer le ciblage des messages, garantissant ainsi que les récits de nos clients résonnent efficacement. Depuis 2023, autre outil et non des moindres, ChatGPT est un véritable game changer dans notre métier et a littéralement réduit de plus de moitié le temps consacré à la recherche et à la rédaction.

Cela dit, au cours de ces décennies, en jonglant entre les projets, deux principes ont jalonné ma carrière et le parcours de Maluti Communications :

1. La vérité : Face à une situation difficile, un dirigeant d’entreprise a le devoir urgent de communiquer de façon transparente avec ses actionnaires, son personnel, ses fournisseurs, ses clients partenaires, les autorités compétentes, les syndicats, les médias, etc. Il faut chercher et trouver la meilleure balance entre les informations qui doivent obligatoirement rester confidentielles, l’éthique et la transparence. Nous aidons donc à décider du message essentiel, à compiler les faits, les chiffres et l’analyse, à les diffuser aux parties concernées, à rétablir les canaux de communication avec différents partenaires et décideurs, et à corriger les « fake news » grandissants.

2. La simplicité : Trop souvent, dans la forme et les écrits, nous constatons du superflu, des extravagances qui n’apportent aucune valeur ajoutée au message. Les discours et les événements exagérés, l’excès d’information dans les communiqués, les dossiers de presse, les documents internes, et la présence d’adverbes dans chaque phrase entravent le partage de l’essentiel, que ce soit en interne ou en externe.

Ces deux principes ne peuvent pas être appliqués sans l’intervention humaine. L’IA aide à fournir des bases solides certes, mais l’essence de notre métier requiert une intervention humaine importante.

Cela étant, tout en étant une grande fan et utilisatrice de l’IA, je reste malgré tout préoccupée par ses aspects négatifs, et je pense ne pas être seule à ressentir cela.

Clairement, je ne pense absolument pas que l’IA pose un risque existentiel – du moins pour le moment. Elle ne se manifestera pas demain sous la forme d’un Voldemort voulant anéantir l’humanité. En revanche, encore plus dans notre métier, nous sommes témoins de l’IA malveillante déjà utilisée comme un outil de désinformation massive, avec des fake news, fake images et autres surgissant encore plus de partout. Alors, oui, il y a un risque, et il faut rester vigilant.

J’ai assisté en début d’année, à Bruxelles, en tant que compagnie affiliée, à la conférence annuelle de la firme de communication internationale FTI, laquelle conférence se penchait principalement sur la communication politique et sur l’IA. Fait inquiétant répertorié lors de cette conférence : « Freedom House », une organisation à but non lucratif basée à Washington et connue pour ses actions de plaidoyer politique concernant les questions de démocratie et de droits de l’homme, a confirmé avoir identifié 16 pays dans lesquels des outils basés sur l’IA pouvant générer des images, du texte ou de l’audio ont été utilisés pour déformer les informations sur des questions politiques ou sociales ayant causé de gros remous. « L’Observatoire européen des médias numériques » a, quant à lui, dit que «Le mois de mars 2023 marque l’aube de la désinformation de masse générée par l’IA». Les Nations unies ont aussi pris position avec le Secrétaire Général lançant, en 2023, les discussions et des initiatives visant à élaborer des principes éthiques et des lignes directrices pour l’utilisation responsable de l’IA. Un peu comme ils l’avaient fait pour le nucléaire !

À cause de toutes ces possibilités et menaces, mon équipe et moi avons cherché, avec FTI et d’autres sociétés expertes dans ce domaine, des ressources sérieuses pour nous former et pouvoir nous appuyer sur un réseau de solides compétences. Nous avons aujourd’hui les moyens de développer et conseiller les entreprises sur l’utilisation des solutions d’IA pour la gestion de la réputation, les affaires publiques et la communication stratégique.

Les services adaptés sont divers : cela commence simplement avec la bonne optimisation du développement de contenu via l’intelligence artificielle, basée sur des données propriétaires ou publiques. Cela continue avec l’analytique descriptive qui aide à comprendre comment les sujets et les organisations sont perçus par les parties prenantes ou encore à révéler ce qui alimente une conversation et quels sont les principaux arguments. Cela inclut aussi l’analytique prédictive pour aider à identifier et prédire les tendances mais surtout les risques, les problèmes inattendus, la réglementation, les préférences des clients, les modèles commerciaux, et plus encore. Il y a aussi la formation de l’équipe de Maluti pour comprendre les enjeux et apprendre, par exemple, ce qu’il faut rechercher dans une image pour savoir si elle est générée par une IA et est fausse ou non. L’IA, quand on est bien encadré, peut aider notre travail de gestionnaire de réputation.

En conclusion, malgré les risques et les zones d’ombre, je reste totalement fascinée par le fait que presque tous les secteurs de l’économie – mondiale et nationale – pourraient tirer profit de l’IA. Ça, c’est la bonne nouvelle. Mais je suis très consciente de l’ambivalence technologique : je reste convaincue que les humains doivent rester au centre de tout et sont essentiels pour transformer ce qui est produit en informations et services exploitables. En tant que chef d’entreprise d’une agence de gestion de réputation et de communication, s’appuyer uniquement sur l’IA serait dangereux et même un suicide. Mais ne pas s’appuyer du tout dessus le serait également.

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