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Emmanuel Adade Sallah (Chef de mission du Fonds de Solidarité Africain) «À Maurice, les projets pour lesquels nous sommes approchés se chiffrent à près de RS 15 milliards»

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Le Fonds de Solidarité Africain, qui depuis sa création œuvre pour le développement économique et social de ses États membres, entend renforcer sa présence à Maurice, géographiquement bien placé pour la bonne tenue des opérations de l’organisation dans la région. Son Chef de mission, Emmanuel Adade Sallah, évoque des partenariats renforcés et des interventions plus importantes, de par ses mécanismes  spécifiques, pour faciliter la réalisation de projets dans divers secteurs de l’économie locale.

Vous êtes le Chef de mission pour Maurice du Fonds de Solidarité Africain. Parlez-nous des liens qui existent avec notre île…

Le Fonds de Solidarité Africain (FSA) est une institution financière internationale créée le 21 décembre 1976 par un Traité international dont Maurice est signataire. Aujourd’hui, le FSA compte 21 États africains et une Banque de Développement, la BDEAC (Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale). Notre ambition d’accroître la contribution du FSA au profit de l’économie mauricienne a guidé les organes du FSA à ouvrir une mission résidente à Maurice et devant couvrir les opérations aux îles Comores, au Burundi et au Rwanda et devant aussi conduire le processus d’adhésion des autres États de l’océan Indien tels que Madagascar et les Seychelles.

Dans le cadre de l’ouverture de la mission résidente du FSA à Maurice, un accord de siège a été signé en janvier 2023 avec le gouvernement mauricien, qui accorde au FSA et à ses représentants les privilèges dont jouissent les institutions internationales. En sa qualité d’État membre, Maurice est représenté dans les organes du FSA par un Administrateur et un Administrateur suppléant désignés par le gouvernement mauricien. Le ministre des Finances mauricien est membre du Conseil des gouverneurs et participe aux travaux.

Quelles sont les activités spécifiques du FSA auprès des États membres, et comment ces activités sont bénéfiques pour leur croissance
économique ?

Le Fonds de Solidarité Africain (FSA) intervient de diverses manières pour soutenir les projets économiques des États africains. Il offre des mécanismes tels que la garantie de financement, les subventions pour réduire le fardeau des prêts, le refinancement avec ou sans prolongation de durée, et le paiement des échéances de prêts lorsque les flux financiers de l’entreprise sont insuffisants. Le FSA participe également à des projets connexes, notamment en investissant du capital dans les fonds de garantie nationaux pour promouvoir certains secteurs d’activité. En plus du soutien financier, le FSA fournit son expertise en matière de garantie et de gestion de fonds pour des tiers, notamment en aidant les promoteurs de projets à les monter, à élaborer des plans d’affaires et à trouver des financements.

Le produit phare du FSA est la garantie de financement, qui représente 75 à 80 % de son portefeuille. Cette garantie permet de partager le risque avec les banques et facilite le financement de projets présentant des risques élevés ou manquant de garanties suffisantes.

La garantie de financement du FSA est particulièrement sollicitée car elle agit comme un catalyseur, permettant aux banques d’accorder des financements à des projets qu’elles n’auraient pas financé autrement en raison du niveau de risque ou du manque de sûretés. Elle consiste à partager le risque de défaut de remboursement avec les acteurs financiers, offrant ainsi un confort aux banques pour soutenir ces projets. Notre garantie peut aller jusqu’à 80 % du financement. Bien évidemment, quand il y a des risques, il y a des précisions que nous apportons dans la convention qui couvre la banque. Une fois que le projet est appuyé par le FSA, il y a un contrat qui lie la banque, le promoteur et le FSA, qui fixe les conditions dans lesquelles chaque parti pourrait intervenir.

De quelle manière Maurice bénéficie-t-il de ces mécanismes d’intervention ?

L’économie mauricienne a bénéficié du Fonds de Solidarité Africain à travers deux mécanismes essentiellement : la bonification et la garantie financière. À titre de garantie de financement, le volume global des garanties que le FSA avait accordé aux partenaires financiers se chiffrait, à fin 2022, à environ 3 milliards de roupies, ce qui a permis de mobiliser des financements de l’ordre de 5 milliards de roupies. Ce volume était modeste. C’est la raison pour laquelle il a été décidé d’ouvrir un bureau de représentation à Maurice. À la suite de l’ouverture de la Mission Résidente, nous avons pu accorder, pour la seule année 2023, des garanties d’un montant de plus de 2 milliards de roupies à différents projets d’investissement, ce qui a permis d’accorder des financements de plus de Rs 4 milliards. Ces projets concernent tous les secteurs économiques : industries, l’immobilier et BTP, santé… Les besoins existent et nous espérons en faire davantage. Notre objectif pour cette année 2024 est d’atteindre un volume de 3 milliards d’approbations de garantie. Les projets pour lesquels nous sommes approchés se chiffrent à près de 15 milliards de roupies.

L’autre mécanisme dont Maurice avait bénéficié dans le passé est la bonification du taux d’intérêt. Elle consiste à prendre en charge à titre de subvention, tout ou une partie des intérêts dus par l’État sur les financements reçus des partenaires financiers.

Notre mission est de contribuer à l’inclusion financière en permettant à tout Mauricien porteur d’un projet viable d’obtenir des financements pour ses activités.

Avec cet objectif d’aider les vulnérables, l’on sait que les PME et les entrepreneurs sont souvent ceux qui souffrent le plus des répercussions économiques. Comment le FSA les aide-t-il dans la structuration et la recherche de financements pour leurs projets ?

Le Fonds de Solidarité Africain adopte une philosophie qui est de s’adapter aux besoins spécifiques de chaque économie. En reconnaissant que la configuration économique des États varie, le FSA s’engage à analyser les mécanismes propres à chaque économie et à répondre de manière appropriée à ses besoins. La mission majeure du FSA est de contribuer au développement économique et au progrès social de ses États membres en facilitant, à travers ses techniques d’intervention, l’accès aux ressources financières nécessaires à la réalisation des projets d’investissement et des autres activités génératrices de revenus.

Nos mécanismes financiers d’accompagnement ont fait leurs preuves à travers près de 50 ans d’existence et d’opérations que capitalise le FSA.

Nous collaborons étroitement avec les acteurs financiers et les gouvernements afin d’aligner ses actions sur leurs priorités et orientations économiques. C’est pourquoi le FSA encourage vivement la création des fonds de garantie nationaux auxquels il pourra apporter ses ressources financières et son expertise de façon à cibler les couches vulnérables en recherche de financements. Un projet dans ce sens est en cours de structuration avec le gouvernement mauricien. Nous espérons vivement et rapidement le voir aboutir.

Qu’en est-il des partenariats et collaborations avec les institutions financières et autres organisations à Maurice ?

Le FSA est appelé à apporter son soutien à tous les acteurs financiers mauriciens disposant d’une licence de la Banque de Maurice ou de la Financial Services Commission. Nous avons des interactions avec la plupart des banques et institutions financières qui dispensent des concours financiers à leur clientèle d’entreprise et nous sommes heureux de constater que les projets sur lesquels nous travaillons avec eux, avancent bien. Nous avons des partenariats privilégies avec la MauBank, MCB, ABSA, ABC Banking ou encore la SBM, avec lesquelles nous sommes en contact régulier sur des projets que nous finançons.

De plus la Banque de Maurice a accordé au FSA un niveau de pondération des engagements, ce qui est un avantage majeur pour les banques bénéficiaires de la garantie du FSA en allégeant le niveau de fonds propres auxquels elles sont tenues suivant la réglementation bancaire.

Moody’s a récemment attribué une première notation d’émetteur à long terme Baa1 en devise au Fonds de Solidarité Africain, assortie d’une perspective stable…

Cette première notation financière Baa1 avec perspective stable attribuée par Moody’s au FSA traduit la solidité de l’institution sur le plan financier et de sa gouvernance et de la pertinence de ses mécanismes d’intervention. C’est le résultat des réformes engagées ces dernières années et dont nous nous félicitons. Les banques et institutions financières bénéficiant de la garantie du FSA ont besoin d’être rassurées quant à la solidité financière et institutionnelle de l’organisation. Depuis sa création en 1976, le FSA a maintenu sa stabilité, démontrant ainsi la fiabilité de ses procédures et de ses ressources. Le FSA a également obtenu une notation Investment Grade en novembre dernier, passant à BAA3, démontrant sa capacité à honorer ses engagements. En tant qu’institution émanant des États et avec la participation de banques de développement, le FSA affiche une solide base d’actifs, témoignant de sa pérennité. Bien que des points d’amélioration aient été identifiés, notamment en matière de gestion des risques, le FSA s’engage à progresser dans ce domaine tout en maintenant sa solidité financière.

Comment le FSA envisage-t-il de maintenir un niveau de soutien financier adéquat de la part des pays membres, étant donné la solidité jugée faible du soutien actuel par Moody’s?

Moody’s a mis l’accent sur un soutien faible des États membres et la concentration du risque dans certaines régions du continent. Les États membres du FSA sont aujourd’hui au nombre de 21 et la configuration de l’économie de chacun d’eux n’est pas la même. Bien avant la notation de Moody’s, des mécanismes de suivi des risques ont été mis en place afin d’atténuer l’impact des défauts de paiement.

Une meilleure ventilation des actifs est aussi en cours de façon à faire bénéficier lesdits actifs financiers aux acteurs dans différentes zones d’intervention. Nous comptons placer certaines ressources dans le marché mauricien, car Maurice demeure une place financière de renom, de façon à diversifier les ressources de nos placements pour ne pas être impacté par la conjoncture économique dans certaines zones de l’Afrique.

Pour ce qui est de la faiblesse du soutien des États membres, Moody’s a mis le doigt sur les arriérés de contributions de certains États membres. Les États tiennent leurs engagements mais pas toujours dans les bons délais. Des mécanismes sont mis en place afin de permettre à ces États de se mettre à jour, avec un calendrier de paiement auquel ils s’engagent à respecter.

On félicite d’ailleurs Maurice qui a toujours été parmi les États en règle dans le paiement de ses contributions.

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