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Édito

Global business : la compétitivité plombée

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Rien n’est acquis dans le monde de la haute finance. Avant d’opter pour une juridiction, les investisseurs internationaux, en particulier les institutionnels, se fondent sur une série de paramètres en vue de déterminer sa compétitivité.

Le principal critère, c’est bien entendu la fiscalité. Pendant longtemps, le succès de l’offshore mauricien reposait, avant tout, sur son régime fiscal attrayant, donnant la possibilité aux sociétés de global business (GBC) de bénéficier d’un crédit d’impôt de 80 % sur certaines sources de revenus. Grâce à ce régime fiscal favorable, le pays a été capable d’attirer un grand nombre de multinationales et de fonds américains et européens, lesquels ont utilisé Maurice comme porte d’entrée pour investir en Inde.

Outre son régime fiscal compétitif, le pays est reconnu comme un État de droit pourvu d’un système juridique qui est un amalgame du droit civil français et de la common law. Cela offre l’assurance aux investisseurs que leurs actifs sont protégés. Avec le temps, les investisseurs internationaux sont devenus plus sensibles à des questions comme le risque politique et le risque sécuritaire et, désormais, la conformité aux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme s’impose comme un critère tout aussi important que la fiscalité.

Après trois décennies d’existence, Maurice est, à juste titre, reconnu comme étant une juridiction de substance. Outre de faire du back-office, l’on est en mesure d’offrir une panoplie de services à valeur ajoutée aux fonds de capital-investissement, aux hedge funds et aux fonds de cryptomonnaie ou encore d’administrer le patrimoine des très grosses fortunes.

Clairement, le centre financier international de Maurice (MIFC) a gagné en compétitivité. En témoigne sa progression de sept places dans le Global Financial Centres Index de 2023, où l’on occupe désormais la 61e place. Cela nous place toutefois derrière nos concurrents directs que sont GIFT City (57e place), Dubaï (20e place) et Abu Dhabi (37e place). Or, dans le monde du global business, la question de compétitivité est relative puisqu’elle est tributaire de facteurs endogènes comme les politiques nationales et de facteurs exogènes comme la sortie d’une juridiction concurrente de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI).

Depuis la présentation du Budget 2024-2025, les acteurs de la finance s’inquiètent avec raison de l’impact du Corporate Climate Responsibility (CCR) Levy sur la compétitivité de la juridiction. Le fond du problème ne réside pas dans le fait que les management companies devront s’acquitter de ce prélèvement de 2 % sur leurs bénéfices, mais que ces 2 % additionnels vont faire que le taux effectif de la taxation pour les GBC passera à 17 % (Corporate tax de 15 % + CCR Levy de 2 %).

A priori ces 2 % paraissent raisonnables, mais du point de vue d’un investisseur, cela signifie que Maurice devient un peu moins attrayant fiscalement parlant. Une situation qui est susceptible de profiter à GIFT City qui nous grignote des parts sur le marché indien, mais aussi au Dubai International Financial Centre (DIFC) qui, depuis fin février, est officiellement sorti de la liste grise du GAFI. Hormis une Corporate tax plafonnée à 0 %, le DIFC doit aussi sa compétitivité au fait qu’il accueille des talents de l’Inde, de l’Europe et de tout le monde arabe. Son retrait de la liste grise signifie que les sociétés ayant leur siège dans l’émirat sont désormais moins impactées par les procédures fastidieuses de diligence raisonnable ainsi que par les coûts relatifs aux questions de conformité.

À un moment où Maurice accélère son repositionnement sur l’Afrique, il pourrait être sujet à une concurrence plus forte du DIFC sur ce marché.

Dans le même temps, le MIFC profite de l’entrée de l’Afrique du Sud sur la liste grise. Cela signifie que les places financières de Johannesburg et de Cape Town, qui se classent respectivement aux 81e et 82e places du Global Financial Centres Index, vont perdre un avantage compétitif par rapport au MIFC.

Le global business est notre poule aux œufs d’or, contribuant non seulement à la richesse nationale (14 % du PIB) et à l’emploi (près de 17 000 professionnels en activité), mais aussi en termes de devises étrangères. De plus, d’après les derniers chiffres d’AXYS, les actifs des GBC domiciliées à Maurice s’élevaient à 705 milliards de dollars à fin juin 2023, soit un montant colossal de plus de Rs 30 000 milliards. D’où la nécessité absolue de tout faire pour préserver notre compétitivité.

Par Richard LE BON

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